«L’ONU n’envisageait aucunement de modifier les termes de sa médiation» - Youssef AmraniYoussef Amrani

«L’ONU n’envisageait aucunement de modifier les termes de sa médiation»

A quelques jours de le la tournée qu’effectuera l’envoyé personnel du SG de l’ONU pour le Sahara, Christopher Ross, dans la région et dans certaines capitales européennes, le ministre délégué aux Affaires étrangères et à la coopération Youssef Amrani revient dans cet entretien sur le rôle que doit jouer Ross, le partenariat avec les États-Unis et l’intégration maghrébine.

En septembre dernier le lancement officiel du dialogue stratégique ente les États-Unis et le Maroc est venu appuyer la nouvelle dynamique entre nos deux pays aboutissant pour la première fois sur la publication conjointe et simultanée d’un communiqué. Pourriez-vous resituer le contexte de cette déclaration ?


Je dirais plutôt qu’il s’agit d’une nouvelle étape. Le dynamisme de ce partenariat s’inscrit dans la continuité des relations bilatérales séculaires, marquées par une évolution qui se veut toujours plus ambitieuse. En ce qui concerne plus spécifiquement le Dialogue stratégique, cette importante étape concrétise la vision de sa majesté le roi Mohammed VI, qui avait appelé, lors de sa visite aux États-Unis en juin 2000, à l’établissement d’un climat propice à l’avènement d’un Partenariat stratégique et à la mise en place d’un nouveau cadre de coopération en adéquation avec les vastes et profondes mutations géopolitiques que connaît le monde d’aujourd’hui. Cet objectif a conduit, en mars 2011, suite aux visites successives de responsables marocains aux États-Unis, à la décision du Maroc et des États-Unis de concrétiser cette ambition partagée. Dans cette perspective, sa majesté à donné ses orientations à une équipe de hauts responsables, à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir, chargée d’engager les discussions et les négociations avec la Partie américaine afin d’aboutir au résultat que nous connaissons aujourd’hui, à savoir la signature d’un Mémorandum d’entente, intervenue le 13 septembre dernier et la publication, le 15 octobre dernier, d’un communiqué conjoint sanctionnant la première session de ce Dialogue avec les États-Unis. Les liens historiques, les valeurs partagées et les intérêts convergents rapprochant les deux pays expliquent qu’aujourd’hui, le Maroc soit le premier pays arabe à disposer de ce cadre avancé de dialogue et de coopération avec les États-Unis.

 

Quels enseignements peut-on tirer de ce communiqué conjoint Maroc/États-Unis ?
Tout d’abord, ce communiqué conjoint traduit une feuille de route ambitieuse que les deux pays se sont engagés à mettre en œuvre ensemble, dans le cadre d’un dialogue approfondi, stratégique et mutuellement avantageux portant sur plusieurs domaines de coopération spécifiques ; domaines politique, économique, sécuritaire ainsi que culturel et éducatif Au niveau du dialogue politique, le communiqué conjoint indique que les États-Unis se sont engagés à soutenir le Royaume dans la réalisation des objectifs prometteurs de la nouvelle Constitution du Maroc, notamment en matière de développement humain, de réforme de l’éducation et de réforme de la justice. Dans cette déclaration conjointe, les États-Unis, ont à ce titre salué les importantes réformes et initiatives réalisées sous l’impulsion de sa majesté le roi Mohammed VI, lesquelles ont favorisé la conclusion de ce Dialogue stratégique.
Concernant les conflits ou différends régionaux, nous nous sommes engagés à œuvrer à la promotion de la paix et à la résolution pacifique des différends, en privilégiant les solutions équilibrées et durables basées, notamment, sur le réalisme et l’esprit de compromis. Dans ce cadre, il a été convenu d’encourager et soutenir toute initiative susceptible de servir la cause de la paix et de la sécurité en Afrique. Par ailleurs, en tant que membres du Conseil de Sécurité, les États-Unis et le Maroc œuvreront également à la promotion de la paix et de la sécurité au niveau international, notamment en ce qui concerne la Syrie et la paix au Moyen-Orient.
Sur les questions de sécurité, le communiqué conjoint souligne que les États-Unis et le Maroc poursuivront la mise en œuvre des mécanismes de coordination bilatérale, notamment dans les domaines de la non-prolifération et du contre-terrorisme.  Au niveau économique, conscients que la sécurité économique et la création d’emplois sont cruciales pour le succès des réformes politiques au Maroc, il a été convenu de mettre en place un groupe de travail économique qui se focalisera sur des questions spécifiques, notamment la promotion des échanges commerciaux et des investissements au Maroc, la sécurité alimentaire, et le développement de l’énergie renouvelable, ainsi que la mise en œuvre d’initiatives concrètes visant à favoriser l’intégration économique au niveau régional. Dans cet objectif, la tenue d’une Conférence sur le développement des affaires devrait avoir lieu début décembre à Washington. Dans le cadre de cette initiative, des groupes de travail spécifiques aborderont diverses questions telles que le renforcement de l’intégration régionale du Maghreb, l’expansion du commerce, la promotion des investissements au Maroc, le renforcement des infrastructures liées à la sécurité alimentaire et la promotion du développement énergétique.  Nous avons également convenu d’œuvrer au renforcement et à la diversification de nos partenariats dans différents secteurs de l’économie en lui donnant une nouvelle impulsion dans les secteurs traditionnels de coopération et en le faisant évoluer vers une dimension et un contenu novateur, à travers la réalisation de projets conjoints d’investissements d’intérêt commun dans des domaines de coopération nouveaux. A cet effet, les deux pays ont convenu d’encourager les mesures visant à promouvoir les échanges, de même que les transferts technologiques et techniques en tant que facteur d’innovation et levier de croissance économique.  Au sujet des questions culturelles, le communiqué conjoint fait état de plusieurs axes de coopération et met également en exergue l’importance du Dialogue inter-religieux afin de promouvoir la compréhension mutuelle, le respect et la tolérance religieuse.

 

Et en ce qui concerne plus spécifiquement la question du Sahara ?
Les États-Unis d’Amérique ont réaffirmé leur position constante depuis plusieurs années en indiquant clairement que « le plan d’autonomie du Royaume du Maroc est sérieux, réaliste et crédible. Les États-Unis réitèrent et consolident ainsi leur position sans équivoque sur le Sahara marocain en y ajoutant de surcroît que le Plan d’autonomie « représente une approche potentielle qui pourrait satisfaire les aspirations de la population du Sahara à gérer ses propres affaires dans la paix et la dignité ». Nous constatons d’ailleurs que la grande majorité de la communauté internationale appuie ce point de vue et pense que seule une solution politique basée sur le réalisme et l’esprit de compromis est à même de résoudre ce différend régional.  Le coût exponentiel du non-Maghreb est un gâchis incompréhensible tant il est vrai que ce coût est au-dessus de nos moyens à tous. Afin de dépasser cette situation anachronique et contre nature, dans la mesure où elle va à l’encontre des intérêts de nos cinq pays et de nos populations respectives, le communiqué conjoint indique que les États-Unis et le Maroc s’efforceront de renforcer les liens régionaux en Afrique du Nord, afin de parvenir à la concrétisation d’une Union du Maghreb Arabe revigorée ; ce qui implique bien entendu la suppression des obstacles à la libre circulation des personnes et des marchandises dans cet espace.

 

Le porte parole du Secrétaire Général de l’ONU a annoncé récemment que M. Ross visitera l’Afrique du Nord et l’Europe du 27 octobre au 15 novembre, qu’en est-il ?
En effet, M. Christopher Ross, l’envoyé personnel de M. Ban Ki-Moon effectuera une tournée dans la région et dans certaines capitales européennes du 27 octobre au 13 novembre 2012.
Cette visite s’inscrit dans le cadre des efforts visant à relancer le processus des négociations pour parvenir à une solution politique au différend régional au sujet du Sahara marocain, conformément à la teneur de l’entretien téléphonique du 25 août 2012, entre sa majesté le roi et le Secrétaire Général de l’ONU. Au cours de cet entretien, le Secrétaire Général des Nations unies avait réaffirmé à sa majesté le roi Mohammed VI que l’ONU n’envisageait aucunement de modifier les termes de sa médiation, qui vise la promotion d’une solution politique mutuellement acceptable. Ce, conformément aux paramètres de négociation arrêtés par le Conseil de Sécurité, à savoir le réalisme et l’esprit de compromis, ainsi que l’implication sincère de toutes les parties dans la recherche de la solution politique. C’est dans cet esprit que l’Envoyé Personnel se rendra au Maroc, en Algérie, en Mauritanie et dans les camps de Tindouf dans le Sud de l’Algérie. Faut-il rappeler que, durant l’entretien téléphonique avec sa majesté, le Secrétaire général de l’ONU a également réaffirmé que son Envoyé Personnel remplira, dans les limites du cadre précis tel que fixé par le Conseil de sécurité, son mandat relatif à l’avancement du processus de négociation et à l’amélioration du climat des relations bilatérales entre le Maroc et l’Algérie. En tout cas, le Royaume du Maroc demeure engagé de bonne fois et disposé à négocier sur la base des paramètres clairement définis et maintes fois réaffirmés par le conseil de sécurité, et à partir de l’initiative d’autonomie que la communauté internationale qualifie de sérieuse, réaliste et crédible.

 

Le partenariat stratégique entre Rabat et Washington marque t-il le point culminant de notre relation avec les États-Unis ?
Depuis maintenant plus de deux siècles, la relation Maroc/États-Unis s’est caractérisée par une évolution constante, aussi bien dans la forme que dans le fond, ce qui illustre à la fois une grande capacité d’adaptation aux mutations de notre environnement, et une volonté continue d’aller toujours plus loin dans l’approfondissement de nos relations multidimensionnelles afin de défendre et promouvoir au mieux nos intérêts stratégiques dans le cadre d’un partenariat mutuellement avantageux.  Je dirais par ailleurs que ce partenariat avec les États-Unis, qui marque un nouveau seuil dans l’histoire de nos relations bilatérales, est fondé sur une dynamique.  En effet, dans le cadre de chacun des quatre groupes de travail institués, les Parties marocaine et américaine s’efforceront de développer et d’optimiser les opportunités d’une coopération toujours plus étroite et ambitieuse. En sommes, plutôt que d’atteindre ou se rapprocher de ce point culminant nous allons le repousser toujours plus loin. Voilà la dynamique qui est aujourd’hui enclenchée, conformément à la vision de sa majesté le roi Mohammed VI.

média

 

attachment-1 photo-2b conference-youssef-amrani b-20 img_0051 milan-oct-2015 2016-02-12 - Youssef Amrani, Minister in Charge of Mission at the Royal Cabinet of Morocco gesticulates on the conference "The Challenges for Security Services in of Imported Terrorism in Europe" from the Middle East Peace Forum on the Munich Security Conference in Munich, Germany. Photo: MSC/dedimag/Sebastian Widmann upm 23023365664_05464c6a50_o