L’Europe et son voisinage : quel appui aux réformes démocratiques ? - Youssef AmraniYoussef Amrani

L’Europe et son voisinage : quel appui aux réformes démocratiques ?

Lors de son intervention au Forum 2000, qui s’est tenu à Prague du 12 au 15 Octobre 2014 , Youssef Amrani qui s’exprimait au panel concernant la Politique Européenne de Voisinage,  a précisé  que le Maroc constitue un modèle inédit  de coopération en Méditerranée. En raison du Statut Avancé avec l’UE, le  Maroc a inauguré avec l’Europe de nouveaux modes de gouvernance. 

Au-delà de la crise économique qui traverse l’Europe depuis plusieurs années, ce sont dorénavant les troubles politiques et sécuritaires qui s’invitent à ses portes. en effet, les bouleversements dans le monde, notamment en Afrique du Nord ou encore la situation difficile en Ukraine, sont d’autant d’exemples d’un contexte géopolitique évoluant rapidement, de manière peu prévisible, ou en tout cas, pas au niveau européen !

Avec cette déstabilisation de l’environnement immédiat de l’Union, cette dernière est amenée à faire évoluer non seulement ses instruments internes, mais également sa politique de voisinage et donc sa manière de gérer ses relations avec les autres pays à l’Est et au Sud de l’Europe. La Politique Européenne de Voisinage, conçue pour accompagner des pays évoluant dans un environnement politique et social stable, se trouve confrontée au défi d’apporter des solutions immédiates à des situations complexes, auxquelles elle n’est originalement pas prévue.

Aujourd’hui, une adaptation rationnelle, prudente et permanente, de cette politique, est impérative, selon une nouvelle démarche qui allie concertation, différenciation et incitations. Elle devrait certes avoir pour principes cardinaux la promotion des valeurs de démocratie, de tolérance, mais elle doit également, tenir compte des spécificités régionales, nationales, voire locales. En effet, il est nécessaire de combiner une nécessaire lutte contre la précarité sociale au développement économique afin d’assurer un cadre de croissance inclusive ou tout un chacun se sente concerné et pris en charge.

Les choix stratégiques retenus par les dirigeants européens laisseraient à penser que le flanc oriental est devenu une priorité pour l’UE, au détriment des partenaires du Sud. Aussi, je souhaiterais préciser de cette tribune que malgré la situation difficile dans certains pays de la rive sud, le Maghreb n’est pas seulement le dernier rempart sécuritaire pour l’Europe, mais il est surtout son unique espace de croissance économique et se trouve être le principal point d’accès à l’Afrique subsaharienne.

Sous cet angle, de nouvelles possibilités d’échanges, mutuellement bénéfiques aux rives Nord et Sud de la Méditerranée sont possibles. En effet, ces échanges doivent permettre d’asseoir une coopération renforcée avec l’UE, légitimer les aspirations des pays du Sud à un partenariat global et approfondi qui réponde à leurs priorités, une coopération qui réduise les disparités des aides entre les pays partenaires et les nouveaux adhérents, en vue de construire un projet d’avenir commun. En somme, la Commission européenne doit œuvrer pour un partenariat plus équilibré.

Il n’est dorénavant plus possible de dicter les domaines de coopération, d’imposer les délais de réalisations des réformes souhaitées, sous peine de réduction des aides octroyées ! Pourquoi ne serait-il pas envisageable d’assouplir les conditions d‘accès aux financements européens ? N’est-il pas possible d’identifier avec plus de précision les besoins sectoriels de chaque partenaire ?

Le renouvellement du Parlement européen en mai 2014, ainsi que la nomination de la nouvelle Commission, augurent (enfin je l’espère) d’une nouvelle étape dans la coopération entre l’UE et ses voisins. L’UpM, outil d’interaction qui couvre le volet régional de la politique de voisinage gagnerait à être mis en avant, appuyé et encouragé dans ses différentes missions, notamment en tant qu’espace de travail entre les institutions européennes, la société civile et celles du Sud, ou encore afin de promouvoir plusieurs initiatives sectorielles.

Il est également possible de capitaliser sur les modèles de coopérations régionaux tels que le 5+5 ou encore développer de nouveaux en s’appuyant sur une coopération bi-régionale UE-Maghreb. Il s’agit, pour cette nouvelle équipe des services extérieures européens, d’implémenter effectivement le principe du « more for more » en vertu duquel l’UE développera des partenariats multiformes plus forts avec les voisins qui réussissent mieux et plus vite leur processus nationaux de reformes progressives.

Chaque partenaire ne devrait pas être jugé sur ses performances économiques, sur ses résultats politiques ou sur la base de statistiques mais sur la vision développée, la cohérence de la stratégie mise en œuvre et les progrès engrangés sur le terrain.

Pour ma part, je puis vous assurer que mon pays reste très attaché à la mise en œuvre optimale du statut avancé et privilégié de son partenariat avec l’Europe. Il continue de mettre en œuvre de nombreuses réformes dans tous les principaux chapitres du Plan d’Action. Ce choix volontaire d’un rapprochement permanent vers l’UE s’est d’ailleurs concrétisé dès 2008, avec l’octroi d’un « Statut Avancé » au Maroc, afin de renforcer non seulement le dialogue politique et la solidarité économique avec l’Union, mais également afin de permettre l’inclusion de nouveaux leviers économiques.

Le Maroc, confiant dans ses choix, conforté dans sa démarche, a accéléré la cadence des reformes dans de nombreux secteurs stratégiques par des plans sectoriels efficients, des évolutions de sa constitution et de nombreuses lois nationales …

Enfin,  je souhaite conclure avec cette idée forte : pour l’UE, comme levier important de développement pour les pays de son voisinage, s’il y a nécessité d’appuyer des processus de réformes, il ne faut pas oublier que les processus sont endogènes et que l’appui ne peut se faire que par un accompagnement approprié !

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attachment-1 photo-2b conference-youssef-amrani b-20 img_0051 milan-oct-2015 2016-02-12 - Youssef Amrani, Minister in Charge of Mission at the Royal Cabinet of Morocco gesticulates on the conference "The Challenges for Security Services in of Imported Terrorism in Europe" from the Middle East Peace Forum on the Munich Security Conference in Munich, Germany. Photo: MSC/dedimag/Sebastian Widmann upm 23023365664_05464c6a50_o